Lorsque l’on souffre d’eczéma des paupières, il est important de rester vigilant vis- à-vis du kératocône. Eclairage du Pr Eric Gabison, chirurgien ophtalmologiste à la Fondation Rothschild, Hôpital Bichat à Paris.
La cornée, première lentille optique de l’œil, est une fine pellicule transparente de 500 microns d’épaisseur. Pour assurer ses fonctions optiques de manière optimale, cette membrane doit être à la fois transparente et rigide.
Le kératocône est une pathologie de la cornée conduisant à son amincissement et à sa déformation entrainant une diminution des performances visuelles. Au cours des premiers stades, la cornée perd sa rigidité et se déforme, prenant progressivement une forme « conique ».
Dans les formes très évoluées, l’amincissement peut être extrême et s’accompagner d’une perte de transparence par fibrose ou par œdème aiguë survenant lors de traumatismes minimes. La pathologie peut rarement être familiale et se transmettre selon un mode autosomique dominant ou acquise, liée à des microtraumatismes répétés tels que des frottements oculaires insistants.
Le kératocône appartient donc à la fois aux familles des dystrophies héréditaires et des dégénérescences cornéennes.
L’association entre les pathologies allergiques, dont l’eczéma, et la survenue d’un kératocône, est liée au prurit, qui génère des démangeaisons, des microtraumatismes, mais aussi à l’inflammation chronique qui serait responsable d’une susceptibilité à l’amincissement et aux déformations cornéennes.
La prise en charge thérapeutique des patients doit commencer par l’éducation, en rappelant les méfaits des frottements oculaires et les bons gestes pour les éviter.
On conseillera l’utilisation de crèmes hydratantes plutôt que des corticoïdes locaux pour les pathologies palpébrales, et aussi les collyres antihistaminiques et/ou anti-dégranulants pour les inflammations allergiques de la surface oculaire.
La première année de suivi d’un patient porteur d’un kératocône est importante pour évaluer son évolutivité et commencer la réhabilitation visuelle. La réalisation répétée de topographies cornéennes (examen permettant la modélisation en 3 dimensions de la cornée) à plusieurs mois d’intervalle, permet d’affirmer ou d’écarter l’évolutivité du kératocône en établissant ou non la déformation cornéenne au cours du suivi.
En cas d’évolutivité, un traitement visant à rigidifier la cornée sera proposé : Le Crosslinking. Ce traitement utilise les propriétés de la vitamine B en présence d’ultraviolets pour lier les fibrilles de collagène entre elles et tenter de stabiliser, ou stopper l’évolution du kératocône.
La réhabilitation visuelle comprend, dans un premier temps, l’optimisation de la correction optique par verres correcteurs. Lorsque ces derniers deviennent insuffisants, une adaptation en lentilles rigides mise en place.
En cas d’échec de ces alternatives médicales, une prise en charge chirurgicale est proposée, avec soit la mise en place d’anneaux intra-cornéen pour régulariser la cornée, ou bien la greffe de cornée le plus souvent lamellaire antérieure. Les anneaux intra- cornéens sont des arceaux de plastique que l’on insère dans la cornée de telle sorte que celle-ci plus symétrique, plus régulière.
La greffe de cornée est l’intervention au cours de laquelle la cornée du patient est remplacée par celle d’un donneur. Cette chirurgie n’est nécessaire que dans les cas les plus évolués, en cas d’échec de toutes les autres démarches thérapeutiques. Elle doit s’accompagner d’un suivi très étroit du patient pour prévenir et/ou traiter d’éventuels rejets.